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L'uranium de la bombe lancée sur Hiroshima provenait d'Afrique. À l'âge de l'équilibre de la terreur, pendant la guerre froide, Congo, Gabon, Madagascar, Niger, Afrique du Sud et Namibie ont fourni chaque année entre 20 et 50 % de l'uranium importé en Occident. Pour éclairer la place centrale du continent africain dans l'histoire du nucléaire, Gabrielle Hecht nous fait pénétrer dans ses mines.
La grande force du récit - car c'en est un, riche en histoires, nourri d'archives inédites et de très nombreuses interviews avec des acteurs locaux - est de montrer que la qualification de «nucléaire» est une construction variable selon les rapports de force, les moments, les lieux et les controverses technopolitiques, et qu'elle ne peut se réduire à des questions de radioactivité et de fission. Pendant des décennies, les mines d'uranium ne furent pas considérées comme des «installations nucléaires», ce qui exemptait de fait les acteurs des procédures de contrôle élaborées par l'Agence internationale de l'énergie atomique et favorisait le commerce de l'uranium. Suivant leur temporalité propre, d'autres impératifs, politiques cette fois, permirent d'affirmer en 2003 que l'uranium nigérien supposé avoir été livré à Saddam Hussein était suffisamment «nucléaire» pour justifier une guerre contre l'Irak.
L'enjeu de ce livre novateur est aussi de montrer les conséquences sanitaires et environnementales dévastatrices des rapports de force politiques, commerciaux et humains qui sont au coeur de l'exploitation du minerai.